Interview d’un docteur vétérinaire nutritionniste
L’alimentation canine est un sujet vaste et fascinant. Sur Baïka’s Blog nous adorons le parcourir et le partager avec vous. De ce fait nous vous proposons de découvrir la spécialité vétérinaire nutritionniste, professionnel irremplaçable de la santé canine.
– Dr Blanchard, qui êtes-vous ?
D’abord un vétérinaire et un nutritionniste, passionnée par la nutrition… mais aussi très gastronome !
En termes académiques, je suis docteur vétérinaire et scientifique (PhD, docteur en nutrition), et Diplomate du Collège européeen de nutrition vétérinaire et comparée et, à ce titre, reconnue comme Spécialiste en Nutrition Clinique Vétérinaire. Je suis actuellement présidente de ce Collège (ECVCN). Bien que n’étant plus professeur à l’Ecole Vétérinaire, j’ai toujours des activités d’enseignement, en particulier de Formation continue, notamment pour les vétérinaires déjà diplômés qui se forment en Nutrition par des formations nationales diplomantes (CEAV de médecine interne, CES de Diététique,…), ou via des formations continues privées.
– Décrivez-nous la profession de vétérinaire nutritionniste ?
Notre métier consiste à proposer une alimentation adaptée aux animaux, pour qu’ils restent en aussi bonne santé que possible à court et long terme.
Ceci implique de détecter les erreurs et corriger l’alimentation en prenant en compte l’animal, avec toutes ses caractéristiques individuelles, son environnement, son propriétaire.
On peut donc être nutritionniste pour des entreprises de petfood (et formuler des aliments pour des groupes d’’animaux), ou à pour chaque animal, au quotidien, en adaptant l’alimentation de manière individuelle.
Un spécialiste participe aussi à la progression des connaissances, par la formation de jeunes spécialistes –je supervise un résident européen, et mes deux anciens résidents sont devenus eux-mêmes spécialistes-, et par la recherche. Mon entreprise me permet cela en toute indépendance, c’est une grande chance.
– Quel a été votre parcours professionnel et où en êtes-vous aujourd’hui ?
Quand j’ai commencé mes études vétérinaires, c’était pour devenir chirurgien équin ! J’ai suivie la formation en médecine équine et travaillé un temps comme vétérinaire équin dès ma sortie d’école (en 1994), en parallèle de ma spécialisation en nutrition.
Mais c’est une carrière universitaire qui m’attirait. J’ai donc préparé les différents diplômes qui s’imposaient, tout en travaillant à l’Ecole Vétérinaire d’Alfort, comme chargé de consultation d’abord, puis comme Professeur sous contrat.
J’ai développé la nutrition clinique, l’alimentation des animaux hospitalisés, et les consultations de nutrition…passant d’une matinée par semaine à des consultations quotidiennes.Aucun poste ne se dessinait et mon poste sous contrat était limitant. J’ai donc décidé de partir à la fin de mon contrat.
J’étais invitée en Australie (University of Queensland, Brisbane) en année sabbatique. Je n’avais aucun revenu, et c’est alors qu’à germé l’idée d’un service de conseil en nutrition via internet… J’y ai finalement été embauchée pour développer et enseigner la nutrition. C’était une expérience fantastique. Je suis tombée amoureuse de ce pays. Mais pour des raisons familiales, il fallait rentrer en France. A mon retour, je n’avais pas trop envie de travailler dans l’industrie, j’ai donc créé ma petite entreprise de conseil en nutrition… et le site cuisine-a-crocs.
Le fil rouge était d’apporter un conseil aussi qualitatif quel que soit l’interlocuteur : une entreprise, un vétérinaire, un propriétaire de chien ou de chat, un éleveur ou un entraineur de chevaux.
– Pourquoi avoir choisi la spécialité de la nutrition canine ?
C’est plutôt elle qui m’a choisi ! C’est durant mes études que j’ai définitivement choisi de me spécialiser en nutrition. Je trouvais cette discipline captivante, car elle interagit avec toutes les composantes de la médecine. Tous les animaux ne sont pas malades, mais ils mangent tous, tous les jours. Et une erreur alimentaire répétée peut avoir de graves conséquences.
– Dans quel but est-ce qu’un particulier fait appel à un vétérinaire nutritionniste ?
Je crois que les particuliers peuvent mieux répondre que moi ! Je dirais quand ils veulent bien nourrir leur animal. Bien sûr, quand ils veulent donner une alimentation maison, c’est vraiment une sécurité. Quand ils veulent donner une ration industrielle, la majorité des vétérinaires peut aider quand la situation est simple (animal en bonne santé, ou présentant une seule maladie à la fois). Mais quand une solution simple n’est pas possible (ration ménagère, alimentation mixte…), ou que la situation clinique est complexe avec plusieurs maladies ou quand l’animal refuse un aliment tout-prêt adapté, alors il vaut mieux faire appel à un spécialiste.
– Tous les vétérinaires ont-ils le même avis sur la nutrition canine ?
Les vétérinaires ont certainement des avis très contrastés sur la nutrition. La nutrition est une science ancienne (« ton alimentation sera ta première médecine » date d’Hippocrate !), mais concernant Chiens et Chats, les connaissances se sont accumulées durant les 30 dernières années, et tous les vétérinaires n’ont pas appris la nutrition canine durant leurs études. Les plus jeunes certainement, mais pas tous !
De plus, la nutrition est une science assez complexe, et comme une erreur en nutrition ne tue pas rapidement, ce n’est pas toujours spectaculaire… mais son impact est pourtant bien réel.
La nutrition est aussi une discipline qui ne donne pas le sentiment qu’on est un grand docteur ! La chirurgie peut appeler à un sentiment différent. Quand on opère, une erreur peut être fatale quasi instantanément. C’est plus immédiatement gratifiant !
– Quelles sont les principales tendances de la nutrition canine actuelle ?
Il faut se rappeler que les premiers aliments « tout prêt » pour chien ont été inventés il y a une cinquantaine d’années. Les connaissances ont évolué progressivement, en parallèle de la proportion de chiens de compagnie, et ces aliments se sont améliorés en parallèle. L’espérance de vie des chiens a augmenté en même temps.
Les boites, puis les croquettes sont apparus, rentrés dans presque chaque foyer, facilitant l’alimentation des chiens au quotidien.
Cela a aussi eu pour effet de diminuer considérablement certaines maladies, qui étaient dues à des déséquilibres de l’alimentation.
Concernant le monde industriel, la tendance est à l’humanisation : proposer des aliments plus diversifiés, qui plaisent plus au propriétaire car ils semblent mieux correspondre non pas « au chien » mais « à leur chien ».
– D’ailleurs, quel est votre avis sur les croquettes ?
C’est très vaste cette question. Les croquettes sont une façon économique et simple de nourrir un chien. Techniquement, ce fut une avancée importante de la nutrition canine.
Les croquettes sont faites avec des céréales mais pas seulement. On peut faire le meilleur et le pire. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’on peut faire.
– De plus en plus de particuliers se mettent aux rations ménagères, qu’en pensez-vous ?
C’est bien si c’est une démarche réfléchie, et suivie.
L’explosion de l’alimentation industrielle est sans doute à mettre en parallèle de l’explosion des plats préparés chez l’homme. Une certaine génération a préféré les plats tout prêts à la préparation de repas qui inféodait les femmes à la maison. Les femmes travaillent, et comme le mari ne cuisine pas, on achète tout prêt !
Il est remarquable de constater actuellement la popularité des émissions culinaires… même ne France ! Ceci s’explique peut être par un souhait de retour à du « fait maison », au moins pour le plaisir, parfois pour une meilleure santé, au moins apparente.
Il me semble que la tendance est à peu près similaire pour l’alimentation du chien de la maison, avec un souhait pour certains de préparer eux-même l’alimentation.
– Tous les chiens peuvent-ils tester les rations ménagères ?
Absolument, mais peut être pas tous les propriétaires ! Il faut une certaine organisation pour avoir les ingrédients nécessaires disponibles tous les jours. Il est tentant de ne pas donner de complément de minéraux et vitamines, ou de les donner seulement en cure, car leur absence n’a pas des conséquences visibles immédiatement. Pourtant animaux malades de cet oubli et les publications en attestant sont bien trop nombreuses.Et tous les vétérinaires, nutritionnistes ou non, peuvent en témoigner.
Autrefois, les chiens recevaient les restes de la famille, consommaient ce qu’ils trouvaient dans la ferme… mais en moyenne, vivaient plutôt moins longtemps, ou n’avaient pas toujours une bonne santé, un poil brillant…! Mais on ne l’explorait pas, et on ne les soignait pas toujours, donc on ne le savait pas !
Les connaissances en nutrition ont beaucoup progressé, et on connait bien les besoins des chiens qui permettent une bonne santé au long cours. Savoir implique qu’on propose une bonne solution.
viande, complément minéral/vitamines/oligo, légumes, huile de colza et féculent bien cuit |
– A quoi doit faire attention tout propriétaire désirant nourrir son chien « fait maison » ?
Une ration ménagère doit contenir tous les nutriments nécessaires au chien, tout en apportant un nombre restreint de composants, et un prix raisonnable. Les composants eux-mêmes, mais aussi les quantités de chaque composant peuvent être choisies et calculées de manière à couvrir tous les besoins, tout en respectant l’animal.
Il faut être vigilent à apporter de la viande, un complément de calcium, voire phosphore, de vitamines et d’oligo-éléments, des légumes, de l’huile de colza, et un féculent bien cuit.
– Avez-vous un aliment favori ?
Les courgettes ! C’est un aliment formidable ! Pour les chiens et chats qui ont des besoins caloriques réduits, ou des troubles urinaires, ou qui boivent trop peu, mais aussi pour les autres !
C’est aussi un aliment formidable pour les humains ! Une idée de recette : A l’indienne : tranchées finement ou en petits dés, et cuites lentement avec huile d’olive, oignons, cumin, cardamone, origan…un régal !
– Qu’est-ce que Cuisine à Crocs ?
C’est un site internet qui permet d’obtenir un conseil en nutrition en quelques minutes (mode express : pour ration ménagère simple, ration mixte –par exemple croquettes + viande + légumes, ration industrielle avec croquettes et/ou boites) ou en 24 à 72 heures (ration ménagère sur mesure) directement à tous les propriétaires de chien et de chat en bonne santé…
Pour une situation pathologique, seul un vétérinaire peut demander une ration, car c’est cette action coordonnée entre le praticien et le nutritionniste qui permet un résultat global sérieux.
On trouve aussi sur cuisine-a-crocs les compléments de minéraux et vitamines Vit’i5, qui permettent d’équilibrer au mieux les rations ménagères ou mixtes. Ces compléments sont aussi disponibles chez les vétérinaires en France (note : et désormais aussi chez notre partenaire Un chien sur la toile).
Il y a très peu de vétérinaires spécialistes en nutrition. Cela donc permet de fournir un conseil individuel au plus grand nombre, même à distance.
– Un souvenir ou une anecdote à nous raconter ?
Le plus gratifiant : recevoir un email de remerciements d’un confrère ou d’un propriétaire m’annonçant que l’alimentation mise en place fonctionne, et que le chien va mieux qu’avant !
Un souvenir ? la chienne de mon enfance, ma chienne, Cibelle, une petite Epagneul breton adorable. C’est sur elle que j’ai fièrement fait ma première prise de sang alors que j’étais encore étudiante. J’ai terminé la prise de sang, et pour la seule fois de ma carrière, je suis tombée dans les pommes !
– Avez-vous des projets pour l’avenir ?
Toujours. Améliorer le site cuisine-a-crocs, proposer plus de possibilités ; les propriétaires de chien et de chat peuvent d’ailleurs m’aider en apportant leurs suggestions sur mon blog.
Et un autre but plus personnel très important : passer plus de temps avec ma famille !